dimanche 17 novembre 2024

Entre Paris et le monde arabe, une histoire séculaire intranquille

Coline Houssais est une chercheuse, commissaire, journaliste et traductrice indépendante spécialisée dans la culture des pays arabes et l’histoire de l’immigration arabe en Europe. Son parcours et ses travaux offrent une réflexion approfondie sur les métissages et les interactions culturels qui ont longtemps caractérisé les échanges de part et d’autre de la Méditerranée.

Après son anthologie sur les musiques arabes en 2020, elle publie en 2024 Paris en lettres arabes dans lequel elle examine les mouvements d’idées, de styles et d’influences, au croisement de l’art, de la politique et du savoir. Elle retrace les nombreuses interactions entre Paris et les intellectuels arabes, en mettant en lumière les paradoxes et la complexité de ces relations depuis plus de treize siècles.

jeudi 1 août 2024

Grandeur et décadence dans le Tunis des années 30

Récompensé par un Comar d’or en 2021, prix tunisien qui honore les meilleures créations romanesques en arabe et en français, et récemment sélectionné pour le Prix de la littérature arabe, le roman de l’écrivaine Amira Ghenim, Le Désastre de la maison des notables, paraît en langue française en août 2024. Brillamment traduit par la poétesse et romancière Souad Labbize, ce troisième roman vient définitivement consacrer une voix émergente de la littérature tunisienne.
Amira Ghenim, docteure en linguistique et professeure à l’Université de Tunis, s’empare de la littérature pour nous offrir un regard sur une période clé de l’histoire tunisienne à partir des années 30. Inspirée par la philosophie de Hannah Arendt, elle choisit la force du récit afin de donner du sens et du relief à une histoire politique et sociale, par ailleurs abondamment documentée dans le monde académique.

mercredi 17 juillet 2024

Stéphanie Dujols, la tendre passeuse

S’il fallait attribuer un qualificatif à Stéphanie Dujols, ce serait celui de passeuse. Cette traductrice et interprète honore son métier par sa capacité à restituer dans la langue française, parfois en mieux, des trésors de la littérature arabe. Nous lui devons entre autres la magnifique traduction du dernier roman de Jabbour Douaihy Il y avait du poison dans l’air, celle du roman carcéral de Moustafa Khalifé La Coquille ou encore Un détail mineur de l’écrivaine palestinienne Adania Chibli.

Résidant aujourd’hui en Égypte, Dujols a passé une dizaine d’années en Palestine, à Gaza et en Cisjordanie, où elle a été interprète pour des organisations humanitaires, professeure de yoga et également enseignante de français.

Mais Stéphanie Dujols ne se contente pas de de nous ouvrir à des œuvres d’auteurs arabes. Elle publie également aujourd’hui, un carnet chez actes sud dans la collection « Un endroit où aller » qui coïncide avec une actualité déchirante où nous assistons avec impuissance à un génocide de la population de Gaza commis par Israël.

samedi 23 mars 2024

La nourriture de l’âme

Les rituels funéraires ont toujours été un élément fondamental de la condition humaine. Ils offrent un moyen de dire adieu à celles et ceux qui nous ont quittés et permettent de trouver un sens à la perte.

Dans ce laps de temps suspendu se constitue ainsi une vie et une communauté autour des endeuillés, et dans les différentes cultures, le passage des défunts vers l’autre monde est assuré par des pratiques liées aux croyances locales et au rapport aux ancêtres. La préparation des repas funéraires figure parmi les plus partagées et chargées symboliquement.

Dans son livre «La cuisine de la consolation», Stéphanie Schwartzbrod recueille les témoignages de vingt cinq hommes et femmes sur les rites culinaires pratiqués dans leurs pays.

jeudi 1 février 2024

Jabbour Douaihy : Loubnan ou l’histoire d’une mélancolie

Jabbour Douaihy nous a quittés le 23 juillet 2021. Cet écrivain amoureux de la vie a glissé son dernier souffle, telle une révérence, dans un ultime ouvrage qui vient clore le cortège de son œuvre et dont la traduction en français est parue récemment aux éditions Sindbad/Actes Sud.

Il est difficile de ne pas entrevoir dans le parcours du personnage principal de son dernier roman Il y avait du poison dans l’air des résonnances avec sa propre histoire. C’est un peu comme s’il revisitait pour la dernière fois des souvenirs d’enfance, de jeunesse et des lieux qui lui étaient chers entre la montagne de ses origines et Beyrouth la capitale.

Au gré de ce voyage, son personnage se fait le narrateur de l’histoire douloureuse d’un pays en proie à des crises et des guerres récurrentes, entamant à chaque fois un peu plus sa capacité à se relever. Comme si le destin ou la malédiction s’arrangeaient à chaque fois pour une raison occulte pour que «Saint Georges regarde toujours ailleurs», lorsque le pays se déchire.

jeudi 1 juin 2023

Le coût des sentiments

Taleb Alrefai est né au koweit en 1958. Enseignant en écriture créative à l’Université Américaine de Koweit, il occupe dans le même temps un poste de responsabilité au Conseil national de la culture, des arts et des lettres du ministère de l’Information. C’est également un journaliste et un auteur prolifique dont les textes portent un regard situé sur la société koweitienne. La douzaine de romans et recueils de nouvelles expriment son souhait de «donner une vraie image du pays», car selon lui c’est le rôle de la littérature de dessiner avec vérité et authenticité l’état présent de la société. 

Son dernier roman «Les portes du paradis» nous invite à découvrir une histoire captivante jusqu’à la dernière page, narrée par ses personnages principaux. Chapitre après chapitre, l’univers des uns et des autres s’ouvrent à nous avec leurs voix singulières.

Yacoub, un homme d’affaires d’une soixantaine d’année passe le plus clair de son temps à la gestion de son business. Voyages, transactions financières, signature de contrats absorbent toute l’attention de cet homme dont la mission est d’assurer une vie confortable et prospère à sa famille. Il envisage de transmettre son empire à son fils préféré Ahmed qui ne le voit pas de cet œil. Introverti et mystérieux, celui-ci a des ambitions qui sont aux antipodes de celles de son père. Il veut aller en Syrie combattre aux côtés de ses «frères d’arme».

lundi 10 avril 2023

Y a-t-il encore un ailleurs ?

Durant les révolutions arabes, le narrateur de ce roman, un Égyptien
copte vivant à Londres, reçoit un jour l’appel de son ami du Caire qui lui demande d’organiser les funérailles d’un jeune Syrien dont la famille réfugiée en Égypte n’a pas été autorisée à faire le voyage pour l’enterrer. Il y consent non sans peine, car qu’y a-t-il de plus triste pour un étranger que de mourir loin des siens, sans aucune présence clémente pour l’accompagner dans ce dernier voyage? «Si je ne pouvais rien pour les vivants, le moins que je puisse faire était de me rendre utile pour les morts.

Les damnés de la terre

Les vivants qu’il évoque sont le public qu’il accompagne dans son métier au sein d’une administration sociale. Ceux que la société rejette, que l’origine ethnique, géographique, la précarité et parfois les choix de vie relèguent à la marge d’un système conçu pour ne préserver que les privilèges d’une minorité. Avec ses collègues pour la plupart de provenances diverses, il est chargé d’enquêter auprès de populations prioritaires en vue d’octroi de logements sociaux.