De là où je viens et sans doute dans de nombreux pays, l’expérience du confinement est éminemment féminine. Je peux affirmer que des millions de femmes ont été et sont encore aujourd’hui confinées parce qu’elles sont femmes, tandis qu’aucun homme ne l’a, à ma connaissance, été en raison de son genre.
Pour ma part, devoir rester entre quatre murs ne m’invite donc
pas à convoquer des métaphores romantiques, mais suscite au contraire une sensation
traumatogène d’une réclusion quotidienne non désirée vécue par des millions de
mes semblables. Non pas que je remette en question le caractère impérieux du
confinement d’un point de vue sanitaire, il réveille cependant en moi une peur
archaïque de voir sévir de nouveau le fantôme du geôlier symbolique que je
croyais avoir définitivement chassé. Dans cet entravement, cette limitation du
mouvement, le sentiment d’asphyxie ne tient pas seulement de mon expérience
personnelle. Je l’ai hérité de plusieurs générations de femmes que j’ai contemplées,
aimées, plaintes, comprises, haïes parfois. Je n’avais pas choisi de porter
leur fardeau jusqu’à ce que je réalise que leur condition était aussi la
mienne.