Pendant les révolutions arabes, les femmes ont occupé
une grande place dans l’espace public et virtuel (blogs et réseaux sociaux).
Elles se sont élevées contre les régimes despotiques et ont manifesté pour
signifier que la révolution ne se ferait pas sans elles.
«Ne me libère pas, je m’en
charge» et «mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de
personne» sont deux slogans portés par ces femmes pour poser les
termes d’une forme de résistance d’un genre nouveau. Dans le premier slogan on
peut lire une affirmation des femmes à prendre en main leur émancipation. Le
second slogan, renforçant le premier, matérialise l’un des instruments par
lesquels cette libération s’opère : leur corps. C’est un changement subtil de
posture qui fait davantage d’elles des actrices de leur affranchissement que
des victimes.
Dans le monde arabe, le contrôle de la liberté des
femmes est toujours passé par le corps. Couvert, caché, vierge, fécondable,
c’est le lieu où se jouent des batailles politiques et idéologiques cruciales
pour l’avenir. Les législations concernant les femmes ont, dans leur majorité,
pour objectif de faire des femmes et de leurs corps des objets au service de
l’ordre dominant. C’est la raison pour laquelle certaines ont brandi leur corps
dénudé pour s’insurger contre un système patriarcal qui produit depuis toujours
une violence psychologique, physique et institutionnelle inouïe à leur
encontre.
Tordre le cou aux
croyances
En Egypte, lorsque les militaires avaient pratiqué des
tests de virginité sur les manifestantes, Samira Brahim a été la première à
trouver le courage de le dénoncer. Elle a intenté une action en justice et
obtenu gain de cause. Cet acte politique fort a sans doute eu un impact
important dans le monde arabe et musulman puisque des initiatives inattendues
de femmes ont suivi. C’est notamment sur (et grâce à) la toile qu’ont fleuri
des photographies de femmes dévoilées ou dénudées de Tunisie, de Syrie,
d’Egypte et d’Iran, affichant chacune à sa manière ce désir de recouvrir la
pleine souveraineté sur leurs corps.
«Résiste et soulève-toi avant
ton extinction !» a été un appel urgent relayé par des
femmes syriennes aux femmes arabes afin qu’elles se soulèvent contre les
dictatures, le conservatisme et l’extrémisme religieux. Le corps nu/dénudé
exprime le pacifisme de ce combat politique car il ne porte pour seule arme que
le message qu’il arbore.
Cette pratique n’est pas nouvelle dans le cadre du
militantisme féministe. Elle a été utilisée par les Women’s Lib aux Etats-Unis
ou le Mouvement de libération des femmes (MLF) en France vers la fin des
années 60. Elle l’est cependant dans une région où il n’était pas pensable
que des femmes puissent, le temps d’une photo, surmonter la peur et
transgresser le tabou de la nudité. Elles ont ainsi tordu le cou aux croyances
qui ont tendance à les enfermer dans la soumission et la victimisation. Elles
ont aussi marqué un acte de réconciliation avec le corps refoulé et le
narcissisme blessé. Le contexte des révolutions a révélé une nouvelle
génération de jeunes (même si minoritaire) qui assume à la fois un féminisme
égalitaire universel («Mon corps m’appartient») et une
identité culturelle affirmée («il n’est l’honneur de personne»)...
Nadia Leila Aissaoui
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