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La durée en longueur de la révolution en Syrie, la souffrance, le courage de même que la détermination et la mobilisation des artistes, des cinéastes et des musiciens ont constitué un creuset de développement d’initiatives, de sites et de pages Facebook d’une richesse exceptionnelle. C’est la preuve que par-delà l’insoutenable violence, le caractère morbide de ce qu’ils vivent a trouvé la voie de la sublimation.
Films
Plusieurs courts métrages ont été mis en ligne depuis le début de la révolution syrienne tandis que d’autres films et documentaires sont actuellement en cours de préparation par des artistes de talent. En voici quelques exemples.
Abou Naddarah, un collectif indépendant, a déjà produit plus d’une quarantaine de courts métrages traitant de sujets et de causes reliés à la révolution ou inspirés par son déroulement. Des messages courts, puissants, où la parole est donnée à des personnes de la vie quotidienne en Syrie. Voir leur page ici.
Un des films les plus marquants est celui intitulé The End «La fin») où l’on voit les rideaux du théâtre se refermer sur Hafez El-Assad et ses portraits d’inspiration coréenne. Le générique déroule les noms des héros de la pièce : ce sont en fait les premiers martyrs de la révolution qui a débuté à Deraa au sud du pays en mars dernier.
Plusieurs films se disputent par ailleurs le prix du premier festival de cinéma indépendant sur la révolution syrienne. Les spectateurs sont les visiteurs de la page Facebook qui sont incités à voter chaque jour pour choisir leur film préféré. Un concept interactif et une invitation à visionner des images, des sons, des idées pour réagir en tant que soutien, et jury.
Plusieurs films se disputent par ailleurs le prix du premier festival de cinéma indépendant sur la révolution syrienne. Les spectateurs sont les visiteurs de la page Facebook qui sont incités à voter chaque jour pour choisir leur film préféré. Un concept interactif et une invitation à visionner des images, des sons, des idées pour réagir en tant que soutien, et jury.
Wa’ar (du nom d’un quartier à Homs) est un film-documentaire réalisé par un « anonyme » dans Homs, capitale depuis des mois de la révolution syrienne. Il témoigne de l’extrême tension qui y règne, on y entend les tirs nourris et on y voit les manifestants accompagnés d’un de leurs leaders charismatiques récemment blessé, Abdel Basset As-Sarout, idole des révolutionnaires, chanteur et gardien de but de l’équipe nationale syrienne – catégorie espoir.
Azadi (liberté en kurde) est un autre documentaire qui a remporté un prix au festival de Roterdam. Il a filmé les manifestations dans des villes et régions kurdes, de même qu'à Damas.
Peinture et sculpture
Peinture et sculpture
En plus du travail remarquable de Ali Ferzat (prix Sakharov 2011 du parlement européen), passé à tabac par les membres des services du régime (son site ici), des artistes syriens ont offert chacun un tableau, une sculpture ou une œuvre qu’ils ont signés pour exprimer leur solidarité avec la révolution et leur soutien à la lutte que mènent les manifestants.
Une page Facebook a été dédiée à leurs travaux où sont publiés quotidiennement leurs contributions – Page « l’art et la liberté ».
Tableau choisi: Le papillon et le couteau de Youssef Abdelké
Une autre page, «l’art de la révolution syrienne», consacre la créativité artistique de la contestation, de ses slogans, de ses films et ses messages directs adressés aux Syriens.
Ici on voit une animation de 50 secondes qui appelait à manifester tous les soirs de ramadan avec la mélodie « Mon beau sapin » :
Animations
La révolution syrienne a également été écrite en bandes dessinées, ou en animation. Plusieurs récits ont déjà été mis en ligne.
On peut citer l’exemple de la révolution selon un « conteur de café populaire» :
Un magnifique conte de 4 min 39 s sous-titré en français mis en scène à la manière des ombres chinoises.
« Pourquoi et comment la grève contre le régime », une animation qui explique en 1 min 20s les conséquences d’une grève générale :
Le conte de printemps par « La chaise renversée » dégage une puissance émotionnelle particulière puisque la dimension tragique de la révolution est amplifiée par un accompagnement musical galvanisant :
Affiches et musique
- Affiches
Une des pages de la révolution syrienne sur Facebook a été génératrice d’affiches politiques et de messages visuels appelant à la mobilisation et à la participation aux soulèvements. Le travail artistique de ses animateurs est remarquable avec plus d’une centaine de posters et de slogans visuels déjà produits : « Le peuple syrien connaît sa voie ».
– Un de leurs posters: « Nous ne renoncerons pas à notre révolution, nous ne désespérons pas, nous ne fatiguerons pas »
- Musique
Plusieurs chansons ont été composées depuis le début de la révolution. Le premier à avoir chanté contre les crimes et la répression qui s’est abattue sur les enfants et leurs parents à Deraa, où tout a commencé, est Samih Choukair, chanteur compositeur de gauche très connu en Syrie et dans le monde arabe pour son engagement pour la cause palestinienne et le Golan occupé. « Ya Heif » (oh honte !), sa chanson reste emblématique :
Par ailleurs, un groupe se dénommant « L’ours syrien » a produit de nombreuses chansons, rassemblant humour, jeux de mots, et improvisation. Se moquant de la famille Assad, il appelle à la libération du pays de leurs « crocs ». Les images sont parlantes et les paroles sont particulièrement hilarantes :
Un autre groupe « Le Qazan syrien », tout autant satirique dans sa démarche, a déjà produit “Qazan” (chauffe-eau) se moquant du président et de son parti Baas au pouvoir. La métaphore du vieux chauffe-eau est utilisée pour montrer le caractère entartré du système et de ses hommes, accompagnée par des images du peuple syrien en mouvement:
Quant au groupe, Gene, il a produit un vidéoclip intitulé « Oh mon fils » (ya waladi) qui raconte l’histoire d’un enfant qui brise les murs de la peur et combat les monstres. La chanson reprend les paroles du poète tunisien Adam Fathi que le fameux compositeur-chanteur égyptien Cheikh Imam avait interprété dans les années 1970 :
Le rap orientalisé par des Syriens vivant en France vient aussi grossir les rangs artistiques de la révolution (chanson en arabe et en français) – « Déclaration » :
Last but not least, le remarquable travail de « Kharabeech » (qui veut dire gribouillis – société de production artistique basée à Amman en Jordanie: kharabeesh.com) en hommage à la voix de Ibrahim Qachouch. Ce chanteur populaire de Hama a été assassiné par les services du régime Assad l’été dernier. Depuis, des enregistrements de sa voix sont souvent installés à la sauvette par les révolutionnaires dans des administrations et des locaux gouvernementaux à Damas. « Voix de la résistance » est dédiée à Qachouch. Elle ressuscite sa voix pour signifier son immortalité, appelant Bachar El-Assad à prendre son frère Maher (chef de la redoutable quatrième division de l’armée) et à dégager :
Leur premier petit clip sur «le printemps des peuples arabes» était déjà un grand succès:
L’explosion de l’art dans cette Syrie ensanglantée nous enseigne encore une fois le rejet de la violence mais aussi une réappropriation d’une estime de soi jetée aux oubliettes du temps du despotisme. Si le grand poète palestinien Mahmoud Darwich évoquait à juste titre la peur que suscitent les chansons chez les despotes, il devait sans doute faire allusion à tous ceux qui comme Ibrahim Qachouch ou Abdel Basset As-Sarout opposent à la mort le caractère éternellement libérateur du chant.
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