Zeinab al-Hosni est une jeune femme syrienne née en 1992 dans le quartier de Karm el-Zaytoun dans la ville de Homs. Le 27 juillet 2011, des Shabbihas (voyous recrutés par le régime et souvent accompagnant les forces de sécurité) l’enlèvent et exigent la reddition de son frère Mohamad en échange de sa libération. Mohamad, l’un des organisateurs des manifestations dans la ville, vit depuis des mois comme des centaines d’activistes dans la clandestinité. Mais quelques semaines après l’enlèvement de sa sœur, il est repéré, puis arrêté.
Leur famille reste sans nouvelles jusqu’au 15 septembre.
Ce jour-là, les parents reçoivent un appel de l’hôpital militaire de Homs. On leur demande de venir récupérer le corps de leur fils Mohamad. Il avait succombé sous la torture durant les séances d’interrogatoire des services de renseignement.
Arrivant sur place, la mère et le père signent des documents et récupèrent sa dépouille. Cette dernière porte des traces de coups et de brulures, sans qu’aucun rapport du médecin légiste ne demande l’ouverture d’une enquête comme l’exige la procédure dans de telles circonstances.
S’apprêtant à partir, la mère est appelée par un membre du personnel de l’hôpital qui lui révèle la présence du corps d’une jeune fille défigurée dans la morgue, et lui dit que cette fille est probablement Zeinab, sa fille, car elle avait été « déposée » à côté du corps de Mohamad. La mère, dévastée par la nouvelle, découvre un corps méconnaissable, démembré, décapité et couvert de brûlures. Elle y trouve des ressemblances avec sa fille, et croit avoir reconnu le corps de Zeinab.
L’hôpital prépare alors un acte de décès, encore une fois sans rapport du médecin légiste pour identification et sans demande d’enquête auprès du procureur général ou de la police. Le corps est livré à la famille deux jours plus tard, le 17 septembre, avec un certificat confirmant l’identité de la jeune fille : Zeinab al-Hosni. En contrepartie, la mère est forcée de signer un document « sécuritaire » présenté par l’hôpital militaire accusant des « groupes armés » (terme utilisé par les médias du régime syrien pour désigner ses opposants) d’avoir tué sa fille.
Par ailleurs, la famille ne reçoit pas les consignes habituelles, à savoir: ne pas organiser d’obsèques et enterrer dans la discrétion le mort pour éviter les manifestations. Etrangement, les obsèques ont lieu sans répression et Zeinab est enterrée aux côtés de son frère. Un autre de ses frères a pris des photos du corps, qui ont fait le tour des réseaux sociaux créant un choc. Zeinab, après l’enfant Hamza al-Khatib, après le chanteur de Hama Ibrahim al-Kachouch, le militant pacifiste et partisan de la non-violence Ghayyath Matar et après plus de 100 autres personnes qui ont trouvé la mort sous la torture, devient une nouvelle icône de cette révolution syrienne.
Des textes, des articles et des slogans circulent en solidarité avec sa famille, et les organisations de droits de l’homme – y compris Amnesty International et Human Rights Watch – publient des rapports présentant certains aspects de son histoire.
Zeinab est vivante !
Seulement voilà, un coup de théâtre se produit le 4 octobre au soir. La télévision syrienne annonce qu’il y aura une surprise dans le journal télévisé. On voit soudain apparaître sur l’écran une jeune fille voilée, qui ressemble à la photo que tout le monde a vue de Zeinab. Elle se présente comme étant bien Zeinab et montre sa pièce d’identité. Elle nie avoir été kidnappée et prétend s’être réfugiée chez des proches de la famille pour fuir la maltraitance de ses frères violents.
Contactée par un avocat et par des représentants d’organisations de droits de l’Homme, la famille confirme l’identité de la jeune fille de la télévision. La mère, bouleversée, demande à ce qu’on lui rende sa fille.
Le régime syrien lance instantanément une campagne médiatique évoquant des manipulations et des mensonges. Il accuse les « comploteurs » dans les medias étrangers et les organisations internationales de même que les cercles de l’opposition d’avoir menti et monté l’histoire de toutes pièces.
Cette manigance flagrante des services de renseignement porte un message clair : Il s’agit de décrédibiliser tout rapport sur les crimes du régime, et de semer le doute sur les « affaires » similaires à celle de Zeinab. En plus, faire passer l’enlèvement de la supposée victime pour une fugue justifie l’accusation de salafisme que le régime attribue à sa famille et surtout à Mohamad son frère (mort sous la torture !).
Sauf que le régime et ses portes parole se félicitant de leur « succès » se gardent bien de répondre aux questions suivantes :
- Pourquoi l’hôpital militaire a-t-il informé la mère que le corps était celui de sa fille?
- Pourquoi aucune enquête n’a été ouverte à l’arrivée à l’hôpital d’un corps mutilé et impossible à identifier?
- Qui oserait en Syrie aujourd’hui, sans décliner son identité, déposer des corps dans des hôpitaux, de surcroît militaires?
- Qu’en est-il du frère mort sous la torture ? Le régime ne l’a pas nié, il l’a même justifiée par l’accusation de salafisme !
- Comment se fait-il et pourquoi les deux corps étaient côte à côte dans la morgue ?
- A qui appartient ce corps « anonyme » de la jeune fille enterrée à présent auprès de Mohamad?
- Et où est passée la véritable Zeinab ?
Ce coup théâtral n’a pas eu d’autre effet que de révéler davantage la barbarie dont est capable le régime. Maintenant il utilise les femmes comme « arme de guerre » pour faire pression sur les familles. Des enlèvements de jeunes femmes ont régulièrement lieu: trois femmes de Homs et de sa région ont récemment disparu selon les militants des comités de coordination locaux: Qamar Hallak, Mariam Al-Ghajari, et Hayam Ammouri.
Cela fait encore moins oublier qu’il a en sept mois ôté la vie à près de 3200 syriens et que plus de 8000 personnes (dont des femmes et des enfants) croupissent toujours dans ses geôles dans des conditions inhumaines.
La révolution clôt donc son septième mois. Confrontée dès le départ à une violente répression et à la censure, elle fait aujourd’hui l’objet d’une guerre d’images et de coups de théâtre comme celui de Zeinab. Cette campagne de désinformation est relayée par certains sites prétextant l’indépendance pour servir la propagande des Assad à l’étranger ou d’autres sites clairement manipulés par le régime à l’intérieur. Tous les moyens sont bons pour étouffer le printemps syrien. Il n’empêche que pour les militants la révolution continue. Ils ont décidé pour ce vendredi, d’adopter un slogan soutenant la légitimité du Conseil National Syrien (formé en fin de semaine dernière et regroupant des représentants de la majorité des formations de l’opposition et des groupes actifs sur le terrain)…
A Paris, comme dans d’autres villes à travers le monde, les syriens et leurs amis continuent leur mobilisation. Samedi 8 octobre des rassemblements auront lieu devant les ambassades de Russie.
Lundi, une soirée pour la Syrie se déroulera au théâtre de l’Odéon à Paris. Des écrivains, artistes et politiques syriens, arabes et français se relayeront pour saluer la révolution et ses martyrs. Pour le programme de la soirée, cliquez ici.
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