S’il est une ville qui pourrait prétendre aux rangs privilégiés de muse universelle elle s’appellerait Paris. Un écrin chargé d’histoire et de vécus romanesques qui n’a pas fini de subjuguer artistes, écrivain.e.s et poètes, souvent au premier regard.
Nabil Naoum,
écrivain égyptien en fait partie. C’est la raison pour laquelle il a choisi d’y
donner vie à son recueil « l’éclipse et autres nouvelles » (Actes Sud, 2020) dont le
thème principal est l’amour.
La première partie est constituée de six nouvelles qui prennent toutes vie dans l’univers d’églises parisiennes marquantes pour l’auteur. Dans ou à proximité de chacune d’entre-elles se joue, se noue et se dénoue une relation d’un ordre particulier.
Ainsi c’est dans
l’église Saint Sulpice que se produit le miracle d’une rencontre. Celle «d’une
femme dont la présence adoucit la solitude d’un étranger ». Celui-là
même qui lui fera porter un autre regard sur elle-même, sa vie et sa ville.
Plus loin, dans un café sur la place des abbesses à Montmartre, en face de
l’église Saint-Jean à la façade couverte de briques rouges et de céramiques, le
personnage revisite un amour lointain mais encore vibrant. Il y contemple
impuissant, l’éclipse d’un lien sans cesse interrogé. « Mon attachement
pour elle procédait-il d’un amour véritable ou bien de la possessivité, de
l’incapacité où j’étais d’accepter de la perdre ? Etait-ce vraiment de ma
part désir de coïncider avec elle ou bien crainte de solitude ? ». Alors
que le fil de sa tourmente se déroule, devant l’église de Saint Nicolas se
produit le ravissement d’un homme d’un certain âge par la jeunesse d’une femme.
Sa quête impossible tourne à l’obsession et le renvoie inlassablement à sa
propre finitude et au temps qui passe. Cette dernière thématique toujours
empreinte de mélancolie est d’autant plus puissante que portée par la musique dans
la nouvelle suivante. Il a en effet suffi d’une sonate de Bach pour que le
souvenir des premiers émois rejaillissent à la vue de cette femme priant ou
écoutant au premier rang de l’église de saint Paul dans le quartier du Marais. L’église
Saint-Eustache quant à elle reste le lieu où la prière cynique du commun des hommes
est exaucée : « Obtenir une femme qui puisse à la fois satisfaire
le corps et ne pas faire souffrir l’esprit ».
Nabil Naoum nous amène dans ce voyage au bout de l’amour, à saisir sa transcendance aux allures et aux trajectoires multiples. Qu’elles soient platoniques, tendres, passionnelles, charnelles, violentes ou routinières, toutes prennent source dans un moment de sidération du corps. Celui de la rencontre. Lorsque la douce puissance des premières fois, fait que l’individu se sente pleinement vivant dans une sorte de vibration mystique avec l’autre. Avant que la lucidité ne reprenne ses droits et ne laisse parfois la place au chagrin, il se passe de longs moments de poésie d’une intense mélancolie dont l’auteur maitrise le style.
Ce recueil merveilleusement traduit (par Luc Barbulesco), se savoure tel une douceur dans l’ambiance feutrée d’un café parisien par un après-midi d’automne.
Nadia Leïla Aïssaoui
Article paru dans l'Orient Littéraie (Octobre 2020)
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