Le clan Assad gagné par l’inquiétude et la suspicion
Alors que de nouvelles rumeurs de défections rendent fébriles les cercles du pouvoir, le président syrien Bachar Al-Assad a commandé une enquête au plus haut niveau pour comprendre comment le Premier ministre Riad Hijab, sa famille et ses proches ont pu passer en Jordanie, lundi 6 août ; pour comprendre aussi les liens qu'ils entretenaient avec l’Armée syrienne libre qui les a évacués sans que les services de renseignement du régime ne soient alertés de l’affaire.
Des mesures supplémentaires ont été prises non seulement pour surveiller plus étroitement certains responsables, mais aussi pour rapatrier certains diplomates à l’étranger et leur éviter des lâchages possibles.
Caricature de Saad Hajo (défection)
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Arrestation au Liban
Mais c'est du Liban voisin qu'est parvenue un coup particulièrement dur pour le régime syrien : l’ancien ministre libanais Michel Samaha, conseiller du président syrien Assad et chargé des relations publiques du régime a été arrêté par la police libanaise. Cet homme, connu des services français, proche de certains journalistes et diplomates en tant que source d’information, et qui fut responsable de la communication durant la visite du couple présidentiel syrien en France en juillet 2008, est accusé d’avoir transporté de Damas des explosifs dans sa voiture afin de préparer des attentats contre des dignitaires politiques et religieux au nord Liban.
Les enquêteurs détiennent une vidéo où il donne des instructions pour les attentats et distribue de l’argent aux agents (dont l’un était informateur de la police). Michel Samaha a reconnu les faits, avoué avoir reçu les bombes et les ordres du général syrien Ali Mamlouk (chef du bureau de la sûreté nationale syrien, un des postes clefs dans l’appareil sécuritaire du régime). Il a également déclaré que les attentats projetés au Liban étaient des directives données par le président Bachar Al-Assad en personne. Suite à ses aveux et aux preuves que détient la justice, le juge d’instruction libanais a écroué Michel Samaha et Ali Mamlouk.
Le gouvernement libanais dans lequel le Hezbollah et ses alliés détiennent la majorité, et considéré pour cela pro-régime syrien, est de son côté resté silencieux.
Ali Mamlouk, à gauche, et Michel Samaha, à droite.
Au-delà de la criminalité du régime Assad et sa tentative d’exporter la terreur vers le Liban, cet évènement révèle aussi ses failles : l’arrestation de Michel Samaha prouve que les alliés du régime ne sont pas toujours prêts à se sacrifier pour le sauver ou du moins pour l’aider à surmonter ses difficultés en payant eux-mêmes le prix. Une vague d’assassinats et d’attentats au Liban aurait suscité des réactions et provoqué de grandes tensions sunnites-chiites, chose que le Hezbollah (fidèle allié d’Assad) ne souhaite pas, du moins pour le moment.
La mobilisation et les combats continuent en Syrie
Sur le terrain, les manifestations pacifiques contre le régime se poursuivent dans les zones qui ne connaissent pas de combats. Elles sont organisées par les Comités de coordination locaux, et l’Union des coordinations (principale force fondatrice de la Commission générale de la révolution), de même que par des comités indépendants dans certains quartiers et villages.
Les manifestants réclament des armes anti aériennes.
Manifestation nocture à Hama
Dans le même temps, les combats se poursuivent dans plusieurs régions du pays, surtout à Alep (au nord), à Deir Ezzor (à l’est), à Rastan et Qussair (à côté de Homs au centre), dans certaines zones entre les gouvernorats d’Idlib et Lattaquié (au nord-ouest), dans certains quartiers sud de Damas, dans sa campagne et dans le sud du pays, près de Daraa.
Les combats les plus intenses restent ceux d’Alep où l’armée du régime confirme son incapacité à gagner malgré l’aviation, les blindés, les chars et l’artillerie lourde auxquels elle a recours. Elle avance très lentement dans le quartier de Salaheddine (sud-ouest de la ville), subit des contre-attaques et plusieurs de ses convois dépêchés en renfort vers la ville tombent dans des embuscades.
Du côté des forces de l’opposition, le manque de munitions se fait sentir et si des aides logistiques et de nouveaux combattants arrivent, ils ne semblent pas être en nombre suffisant pour prendre le contrôle de la municipalité et la maintenir « libérée ».
Quartier Salaheddine, Alep |
Rapport de force militaire et formations des combattants de l’opposition
Selon plusieurs sources et estimations, le bilan militaire est le suivant.
Les forces armées du régime comprennent aujourd’hui:
- 250.000 combattants (sur 325.000 que comptait l’armée régulière) et des milliers de Chabbihas (milices payées par le régime et collaborant étroitement avec ses services de renseignement). Des dizaines de milliers de soldats ont déserté. Une partie seulement des déserteurs a rejoint l’Armée syrienne libre. La majorité a trouvé refuge dans les villages loin du contrôle du régime.
- 550 avions de combats, 70 hélicoptères, 4900 chars et blindés (des dizaines ont déjà été détruits) et des centaines de missiles.
- Artillerie lourde et stocks de munitions considérables (procurés par la Russie).
Un char de l'armée du régime détruit
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L’Armée syrienne libre et les forces de l’opposition comptent:
- 60.000 combattants. Les volontaires civils formant entre 65 et 70% de ces combattants.
- Equipement léger : mitraillettes et anti-chars RPG.
- Une dizaine de chars et blindés pris aux forces du régime dans les régions d’Alep et Idlib.
- Des centaines de voitures et des pick-up sur lesquels sont parfois fixées des mitraillettes de moyenne portée.
- Des munitions prises dans les positions attaquées de l’armée du régime ou achetées au marché noir.
Depuis juin dernier, on parle de l’arrivée dans la région d’Alep de nouveaux équipements anti-chars et de mitraillettes plus modernes offertes par des acteurs régionaux (tels que le Qatar et l’Arabie Saoudite). Ils restent néanmoins insuffisants pour faire face à la machine de guerre du régime.
Les groupes armés de l'opposition
L’armée du régime ne contrôle que 50% du territoire syrien, tandis que les forces de l’opposition en contrôlent 10 à 15% (au nord-ouest et à l’est). Alors qu’ils mènent des combats dans le reste du pays, on identifie de mieux en mieux les principaux groupes formant le plus gros des forces militaires de l’opposition.
Dans la zone d’Idlib (« libérée » comme le disent ses habitants), on évoque le chiffre de 10.000 combattants dans différents groupes:
- Une brigade de l’Armée syrienne libre reliée au commandement de cette armée en Turquie. Elle constitue un parapluie pour les forces de l’opposition dans la région sans pour autant les contrôler.
- Des brigades formées par des volontaires civils, dont la Brigade des martyrs de la Syrie (anciennement connue sous le nom de la Brigade des martyrs de Jabal Al-zawiya), et la Brigade des faucons du Cham. La majorité de ces volontaires sont originaires de la région d’Idlib et n’affichent pas de véritables positions idéologiques, même s’ils sont majoritairement pieux. En revanche certains de la Brigade des faucons du Cham, originaires de la région voisine de Hama, sont des descendants de membres des Frères musulmans tués dans les massacres commis par le régime de Hafez Al-Assad en 1982. Ils coordonnent leurs actions durant les combats, mais ne forment pas un corps homogène.
C’est dans la zone de Homs (avec Qusair et Rastan), que l’on retrouve le plus grand nombre de combattants. Ils sont estimés à 20.000 répartis sur plusieurs brigades dirigées par des officiers déserteurs, dotées d’une meilleure discipline et d’une plus grande expérience militaire. Ils contrôlent une partie de la ville de Homs (troisième ville du pays), et protègent également des villes et villages voisins depuis novembre 2011 (tel que Rastan, Talbisseh et Qussair). Parmi ces brigades, celles d’Al Farouk, de Hãjar et de Khaled Ben al-Walid sont les plus organisées et médiatisées. Elles regroupent des soldats et des civils volontaires.
Membres de l'armée libre
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Dans la zone d’Alep et de ses environs, on parle de 15.000 combattants mieux équipés par rapport aux autres régions. Plusieurs de leurs brigades se regroupent sous la bannière du Liwaa Attawhid, mais il y a également des milices populaires locales et des volontaires arrivant du reste du pays.
Autour de Deir Ezzor et Bou-kamal à l’est, les forces de l’opposition (plusieurs milliers de combattants) sont souvent formées de déserteurs de l’Armée syrienne régulière, de combattants civils volontaires et d’hommes armés des tribus syriennes qui vivent dans la région. Ils adoptent pour leurs brigades des noms historiques à connotation islamique, et tiennent tête depuis deux mois à toutes les offensives de l’armée du régime, qui se contente depuis le début des combats d’Alep, de bombarder la région sans plus tenter d’avancer sur le terrain.
Deir Ezzor
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Dans la région du Houran (sud), surtout autour de Daraa, de même qu’à Damas, la capitale, ses environs, les villes de Zabadani et Douma, et dans la région de Hama (au centre du pays), et les villages au nord-est de la ville côtière de Lattaquié, des milliers de combattants sont dispersés, et adoptent les tactiques de guérilla pour maintenir la pression et l’effet de surprise contre les forces du régime et ses convois dépêchés vers les zones d’affrontement. Ils bénéficient d’un soutien populaire évident leur permettant de « disparaître » dans les villages et quartiers résidentiels urbains. Ils sont équipés d’armes légères, de moyens de communication, et infiltrent certains services de renseignement s’informant ainsi des manœuvres militaires des forces du régime.
Quant aux jihadistes, les plus fréquemment évoqués dans les médias occidentaux, ce sont de petits groupuscules, souvent isolés de la société locale. Ils sont minoritaires dans toutes les régions (estimés à près de 1000 hommes dont des étrangers), mais plus disciplinés et mieux entraînés. Ils ne sont pas affiliés aux brigades de l’Armée libre ni aux brigades indépendantes. Dans ces dernières, on retrouve des islamistes syriens de différents courants, et des simples musulmans pratiquants. Mais on compte surtout et majoritairement des citoyens syriens réunis par le seul désir de tourner la page de 42 ans du régime Assad.
Il est fort probable qu’avec la répression qui dure, engendrant autant de souffrances et de morts (chaque jour plus de 150 personnes sont tuées en moyenne), la lente agonie du régime et l’impuissance de la communauté internationale, les courants islamistes montent en puissance. Etant les mieux organisés, ils peuvent attirer encore plus de jeunes volontaires. Il y a également un risque d’arrivée massive de jihadistes dans le pays si l’Armée libre n’est pas mieux équipée pour imposer l’ordre et établir le contrôle sur les zones libérées.
A Alep: «Nous voulons un commendement uni de l'armée libre pour éviter les erreurs fatales» |
Enfin, les derniers développements montrent que des zones d’exclusion aérienne sont vitales pour les forces de l’opposition. Non seulement elles seront délivrées de la menace aérienne qui complique leurs déplacements, mais elles estiment aussi que cela pourrait provoquer un grand mouvement de défection de militaires de l’armée du régime qui craignent d’être pourchassés par les avions de chasse et les hélicoptères s’ils tentaient de fuir.
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