Le régime syrien ne cesse de se surpasser dans l’art de tuer. Dernièrement, il n’a pas hésité durant ses bombardements aériens aveugles de la population dans le nord, l’est et le centre du pays à lâcher des bonbonnes de gaz et des barils de TNT, tuant en deux semaines plus de 2000 personnes.
"Livraison de Gaz par le ciel" - Wissam Aljazairi |
En outre une enquête de l’organisation Human Rights Watch a fourni des preuves de l’utilisation par le régime de bombes à sous-munitions, particulièrement dangereuses longtemps après leur largage. Le gouvernement syrien n’a jamais ratifié la Convention sur les armes à sous-munitions, adoptée par 107 Etat en 2008. Cette dernière interdit la production, le stockage, le transfert et l'utilisation de cette catégorie d'armes et prévoit la destruction des stocks existants.
Père pleurant son fils tué par les bombardements du régime à Alep |
Sur le plan régional, trois évènements majeurs sont à noter.
Le premier est la montée de la tension entre Ankara et Damas suite à un tir d’obus effectué par l’armée syrienne sur le village turc d'Akçakale faisant le 3 octobre dernier 4 victimes. La Turquie a jusqu’au 19 octobre riposté à six reprises à des incidents similaires en visant des positions de l’armée syrienne et celles de certaines milices kurdes proches de Damas. Le gouvernement d’Erdogan a également reçu l’aval de la majorité parlementaire pour « envoyer des troupes en Syrie si cela s’avérait indispensable pour la sécurité du territoire turc ». Par ailleurs, un vol de la compagnie syrienne en provenance de Moscou a été intercepté et perquisitionné par les autorités turques, tandis qu’Ankara a décidé de fermer son espace aérien aux vols civils syriens soupçonnés de transporter du matériel militaire.
Le deuxième évènement concerne l’apparition des premières preuves de la participation d’éléments du Hezbollah libanais à la répression aux côtés de l’armée du régime Assad. En effet, le parti a organisé le 2 octobre dernier les funérailles officielles de trois de ses combattants morts dans la région de Homs (Al-Qussair) non loin de Baalbek (fief du Hezbollah dans la Beqaa au Liban). Un de ses responsables, le Cheikh Mohammad Yazbek a déclaré en guise de justification que les partisans étaient morts en protégeant des libanais (chiites) vivant dans des villages syriens livrés aux attaques des « rebelles ». Au Liban, les vives réactions qui ont suivi cet aveu officiel du Hezbollah et la condamnation d’une grande partie des forces politiques de ce qu’elles ont appelé une « participation aux crimes contre le peuple syrien » ont poussé le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, à prononcer un discours le 11 octobre. Il y a réitéré son soutien au régime Assad tout en précisant que ses combattants n’intervenaient en Syrie que « dans les villages habités par des libanais ».
Les conséquences néfastes de cet engagement direct du parti libanais dans la répression contre la révolution sont incalculables. Non seulement le Hezbollah entraine le Liban dans une confrontation qui risque de devenir « régionale », mais il monte en plus d’un cran la tension confessionnelle entre sunnites et chiites, au Liban comme en Syrie.
Ainsi, ce qui paraissait ces derniers temps être une posture de réserve du Hezbollah quant aux tentatives de déstabilisation syrienne du Liban (notamment lors de l’affaire de l’arrestation de l’ancien ministre libanais Michel Samaha proche d’Assad et du hezbollah - voir notre article sur le sujet) n’a été que passager. Il semblerait selon des sources proches du parti, que Téhéran y soit pour quelque chose. Ce dernier a clairement décidé de soutenir plus concrètement le régime extrêmement affaibli cet été en envoyant un renfort direct. Ceci a entrainé l’envoi par le Hezbollah de combattants dans certaines régions que le régime n’arrive plus à contrôler, surtout à l’ouest de la ville de Homs.
Le troisième développement est l’explosion meurtrière à Beyrouth qui a visé le chef des renseignements des forces de sécurité interne Wissam Al-Hassan le 19 octobre.
Ce dernier était l’architecte de l’arrestation de Michel Samaha en août, il a été l’homme fort dans toutes les enquêtes depuis l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri en février 2005. Il est considéré comme l’ennemi numéro un du régime syrien au Liban depuis des années. Son élimination ressemble à la fois une vengeance contre lui après le démantèlement de réseaux terroristes, et une menace explicite adressée aux institutions sécuritaires et juridiques au Liban qui enquêtent sur les affaires « liées » à Damas, telles que celle de Samaha-Mamlouk.
Pendant ce temps, les tergiversations de la communauté internationale et son inaction face à la tragédie syrienne et ses répercussions régionales se poursuivent. Face à la machine de mort d’Assad soutenue militairement et diplomatiquement par la Russie, financièrement par l’Iran (aides estimées depuis mars 2011 à 10 milliards de dollars), les combattants de la révolution syrienne ne reçoivent qu’un soutien dérisoire qui leur permet à peine de se défendre et les laisse désarmés face aux bombardements aériens sauvages.
Ce rapport de force inégal ne fait que prolonger le « conflit » et la liste des victimes. Contrairement à ce que postulent ceux qui défendent le non-engagement de la communauté internationale, sous prétexte de vouloir éviter une escalade encore plus importante, c’est la transformation de la Syrie en zone de conflit ouvert à tous les règlements de compte régionaux comme internationaux qui se profile inexorablement. Plus vite la chute du régime aura lieu, plus vite la Syrie aura des chances d’être épargnée par des scénarios apocalyptiques et d’échapper aux prophéties auto-réalisatrices du régime et de ses propagandistes.
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